Conception de politiques incitatives ciblées

Conception de politiques incitatives ciblées pour prévenir le risque de tuberculose bovine en élevages

Les dernières décennies ont été marquées par l’émergence de plusieurs épizooties (e.g. fièvre aphteuse, encéphalopathie spongiforme bovine, grippes aviaires) qui ont mis en évidence la vulnérabilité des systèmes alimentaires et de la santé publique face à ces crises véhiculées par les animaux d’élevage. Prévenir ces risques est donc un enjeu sanitaire et économique majeur, qui repose en grande partie sur les mesures préventives adoptées par les éleveurs. Le cas de la tuberculose bovine est d’actualité en France, car malgré sa prévalence extrêmement faible (très en dessous de 0.1% des troupeaux), le nombre de cas recensés est en constante augmentation. Prévenir l’émergence de la maladie requiert alors l’identification de ses facteurs de risque, l’analyse des pratiques préventives des éleveurs et l’évaluation des politiques publiques incitatives de mise en œuvre de la biosécurité. Les enjeux cités soulèvent des questions empiriques, méthodologiques et théoriques auxquelles cette recherche répond. D’abord, une analyse statistique a montré l’importance de la prise en compte de la tuberculose bovine comme un fait rare, pour éviter des biais d’estimation et révéler avec justesse des facteurs de risque. L’analyse de la propension des éleveurs à mettre en place des mesures de biosécurité révèle que leurs choix sont interdépendants, à la fois à l’échelle de l’exploitation et localement. Une politique d’incitation à la biosécurité , étudiée par modélisation, sera d’autant plus efficace si les aides financières sont ajustées aux caractéristiques de chaque éleveur conditionnées à une adoption large des mesures.

Contexte et enjeux

La tuberculose bovine est une maladie bactérienne redoutée, puisqu’elle touche à la fois les bovins et la faune sauvage, et est potentiellement zoonotique. Sa prévalence est en augmentation régulière et constante en France depuis une décennie, constituant une menace grandissante pour la santé publique et le commerce de produits des élevages bovins. Dans un contexte où sa détection est difficile (souvent ex-post en abattoir) et les traitements rares, l’enjeu majeur est la prévention, via l’incitation à la mise en place de pratiques de biosécurité.

Résultats

L’identification de leviers pour qu’un maximum d’éleveurs adopte des mesures de biosécurité passe par trois étapes successives : 1) relever les facteurs de risque d’infection liés aux structures d’élevage et aux pratiques ; puis 2) estimer les déterminants d’adoption de pratiques de biosécurité chez les éleveurs ; pour 3) élaborer des politiques incitatives qui tiennent compte de la diversité des pratiques. L’analyse statistique et économétrique a d’abord montré que la probabilité d’infection était très dépendante de la densité animale, ainsi que de l’introduction de nouveaux animaux dans les troupeaux, montrant que le degré d’intensification et que la capacité d’autorenouvèlement des cheptels jouent un rôle fort. Ensuite, les résultats montrent que les décisions des voisins importent beaucoup dans les choix de gestion individuels, et que des effets de débordement existent en fonction des pratiques. On observe aussi que les décisions de biosécurité sont aussi dépendantes d’autres choix d’entreprise, comme la labellisation AB ou l’existence de contrats de commercialisation. Ces résultats permettent d’élaborer une politique d'incitation à l'effort de biosécurité à la ferme. Un modèle principal-agents est développé, où sont considérés à la fois l'hétérogénéité des éleveurs, les externalités liées à la maladie et sa gestion, et le manque d’information sur les statuts sanitaires réels des troupeaux (risque d'aléa moral). Les résultats soulignent qu’une politique d’aides ciblées en fonction des contraintes individuelles des éleveurs est à même de produire les meilleurs effets pour la prévention collective de cette maladie.

Perspectives

Les contributions de ces travaux constituent une avancée majeure dans la compréhension de la gestion des risques d’infection en santé animale. Les outils économiques et statistiques développés permettront de mieux évaluer les choix privés de manière à approcher le plus près possible la réalité des éleveurs en terme de gestion préventive des catastrophes sanitaires

Valorisation 

Un publication issue de ces travaux est publiée dans le Journal of Agricultural and Resource Economics. Les travaux réalisés ont pu également être présentés lors de divers séminaires et conférences et l’échelle nationale (JRSS 2019 à Bordeaux) et internationale (par exemple AAEA 2019 à Atlanta - EAAE PhD WORKSHOP 2019).

Références bibliographiques

Osseni, A. F., Gohin, A., & Rault, A. (2021). Optimal Biosecurity Policy with Heterogeneous Farmers. Journal of Agricultural and Resource Economics, TBD-TBD.

Osseni, A.F. (2021). Preventive management and consequences of health risks in animal production. Application to bovine tuberculosis in France. Thèse de doctorat. L’institut national d'enseignement supérieur pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.

Osseni, A. F., Gohin, A., & Rault, A. (2019). On the optimal policy for infectious animal disease management: a principal-multiple agents approach.

  • 8th PhD Workshop of European Association of Agricultural Economics, Uppsala, Sweden.
  • The annual meeting of Agricultural & Applied Economics Association (AAEA), Atlanta, USA.
  • 12ème journées de recherche en sciences sociales INRA-SFER-CIRAD, Bordeaux, France..

Date de modification : 11 septembre 2023 | Date de création : 11 janvier 2022 | Rédaction : AR