7 - Valeur du test

La modélisation épidémiologique et son usage pour gérer la COVID-19

Éclairage sur les modèles mécanistes par l'équipe DYNAMO

Au cours des prochaines semaines, nous présenterons quelques éléments clés de la modélisation en épidémiologie au travers d'articles courts à vocation pédagogique. Ces articles vous aideront à mieux comprendre et décrypter les hypothèses sur lesquelles reposent les modèles épidémiologiques beaucoup utilisés en ce moment, et comment ces hypothèses peuvent impacter les prédictions de la propagation des pathogènes, notamment du SARS-CoV-2. L’objectif est de découvrir les avantages et les limites de la modélisation mécaniste, approche au centre des travaux de l’équipe DYNAMO. Les exemples de modèles seront inspirés des modèles utilisés en ces temps de crise, mais parfois simplifiés pour les rendre accessibles.

#7 – Si mon test est positif ça veut dire quoi ?

Sortons un peu de la modélisation pour discuter d’une question importante en épidémiologie : que signifie exactement le résultat d’un test de dépistage ?

Un test est caractérisé par sa sensibilité (Se) et sa spécificité (Sp). La sensibilité d’un test est sa capacité à donner un résultat positif lorsqu’un individu infecté est testé (encore faut-il savoir de manière sûre qu’il est infecté). La spécificité d’un test est sa capacité à donner un résultat négatif lorsqu’un individu non infecté est testé (idem, encore faut-il être sûr que l’individu n’est pas infecté). Pour déterminer ces valeurs Se et Sp d’un test, des travaux en laboratoire sont nécessaires pour comparer les résultats donnés par ce test avec ceux obtenus avec un autre test aux caractéristiques bien connues (généralement un gold standard).

Cependant, quand on va se faire tester, on ne connaît pas à l’avance notre état de santé puisqu’on cherche à le déterminer. Suite à un test, quelle est la probabilité d’être réellement infecté lorsque notre test est positif ? Quelle est la probabilité d’être réellement non infecté lorsque notre test est négatif ? Pour le savoir, il faut calculer les valeurs prédictives positive (VPP) et négative (VPN) du test. Il faut donc connaître non seulement les caractéristiques du test (Se et Sp), mais aussi une troisième information : la prévalence p de l’infection dans la population à laquelle l’individu testé appartient, c’est-à-dire la proportion de personnes qui sont effectivement infectées dans cette population. On va pouvoir alors remplir le tableau suivant :

Infectés

Non infectés

Test positif

Vrais positifs (VP) = Se x p

Faux positifs (FP) = (1-Sp) x (1-p)

Test négatif

Faux négatifs (FN) = (1-Se) x p

Vrais négatifs (VN) = Sp x (1-p)

On pourra calculer les valeurs prédictives :

VPP = VP / (VP+FP) = Se x p / (Se x p + (1-Sp) x (1-p))

VPN = VN / (VN+FN) = Sp x (1-p) / (Sp x (1-p) + (1-Se) x p)

Prenons un petit exemple dans une population de grande taille comme la France (70 millions d’habitants), dans laquelle 10% des personnes se font tester (7 millions). Imaginons que la prévalence p de l’infection soit de 1%, et que le test ait une sensibilité de 90% et une spécificité de 98%.

Infectés

Non infectés

Test positif

63 000 VP

138 600 FP

Test négatif

7 000 FN

6 794 400 VN

En appliquant les formules précédentes pour calculer les valeurs prédictives, on constate qu’une personne avec un résultat positif aura 31% (VPP) de chances d’être réellement infectée (et 69% de chances de ne pas l’être). Une personne avec un résultat négatif aura 99.9% (VPN) de chances d’être réellement non infectée. D’autres exemples sont présentés ci-après dans la figure. La valeur prédictive négative est très bonne lorsque la prévalence est faible, alors que la valeur prédictive positive l’est moins, mais permet de prendre les bonnes précautions.

Valeurs prédictives négatives (tiret) et positives (continu) pour 2 jeux de valeurs de sensibilité et spécificité

Valeurs prédictives positive (VPP) et négative (VPN) du test selon sa sensibilité (en bleu : Se=0.9 ; en noir : Se=0.5), sa spécificité (en bleu : Sp=0.99 ; en noir : Sp=0.98) et la prévalence de l’infection.

En résumé : les tests jouent bien sûr un rôle clé dans la maîtrise d’une épidémie, dans la mesure où ils contribuent à identifier des individus infectés ou non, mais leur usage n’est pas aussi simple qu’on pourrait le penser. L’incertitude résultant de leur sensibilité, de leur spécificité et de la prévalence de l’infection (qui varie au cours du temps, ne l’oublions pas !) doit être prise en compte pour utiliser leurs résultats avec pertinence.