11 - Sensibilité du modèle COVID19

La modélisation épidémiologique et son usage pour gérer la COVID-19

Éclairage sur les modèles mécanistes par l'équipe DYNAMO

Au cours des prochaines semaines, nous présenterons quelques éléments clés de la modélisation en épidémiologie au travers d'articles courts à vocation pédagogique. Ces articles vous aideront à mieux comprendre et décrypter les hypothèses sur lesquelles reposent les modèles épidémiologiques beaucoup utilisés en ce moment, et comment ces hypothèses peuvent impacter les prédictions de la propagation des pathogènes, notamment du SARS-CoV-2. L’objectif est de découvrir les avantages et les limites de la modélisation mécaniste, approche au centre des travaux de l’équipe DYNAMO. Les exemples de modèles seront inspirés des modèles utilisés en ces temps de crise, mais parfois simplifiés pour les rendre accessibles.

#11 - Analyse de la sensibilité du modèle COVID19 à la variation de ses paramètres

Dans cet article, nous analysons la sensibilité du modèle présenté dans l’article #6, avec les valeurs de paramètres estimés dans l’article #8. Nous avons fait varier simultanément de 10% tous les paramètres du modèle (tableau) hormis la date d’introduction du virus estimée précédemment (22/01), ainsi que les dates de début (16/3) et de fin (11/5) de confinement fixées telles qu’observées. Nous avons utilisé ici un protocole d’échantillonnage FAST (Fourier Amplitude Sensitivity Test), et le package « sensitivity » sous le logiciel R.

Tableau des paramètres du modèle

Paramètres

Définitions

Valeurs (min-max)

β

Taux de transmission basal (j-1)

1.48 (1.332-1.628)

σ

Facteur de réduction de l’excrétion des Ip, Ia, Ips (%)

0.47 (0.423-0.517)

v1

Contacts résiduels des Iss (%)

0.25 (0.225-0.275)

v2

Contacts résiduels des H & ICU (%)

0.25 (0.225-0. 275)

ε

Taux de sortie de la latence (j-1)

0.30 (0.270-0.330)

γp

Taux de sortie de l’état Ip (j-1)

0.66 (0.600-0.733)

f

[pa, pps, pms, pss]

Facteur de variation

Probabilité d’être Ia, Ips, Ims ou Iss (somme = 1)

1.00 (0.900-1.100)

[f*[0.3,0.2,0.3], 1-f*0.8]

γ

Taux de sortie des états Ia, Ips, Ims, Iss (j-1)

0.43 (0.391-0.478)

pICU

Probabilité d’aller en unité de soin intensif après Iss

0.25 (0.225-0. 275)

γH

Taux de sortie de l’hôpital (j-1)

0.07 (0.063-0.077)

µH

Proportion de H qui vont guérir (%)

0.90 (0.89-0.91)

γICU

Taux de sortie de soin intensif (j-1)

0.05 (0.045-0.055)

µICU

Proportion de ICU qui vont guérir (%)

0.70 (0.67-0.73)

c1

Contacts résiduels pendant le confinement

0.10 (0.09-0.11)

c2

Contacts résiduels après le confinement (distanciation)

0.50 (0.450-0.550)

Pour illustrer, concentrons-nous sur trois sorties du modèle : le nombre de cas à la date du pic épidémique (PeakValue), la date de ce pic (PeakDate), et le nombre cumulé de morts sur la période simulée (CumDeaths) (Figure). On observe que le nombre de cas au pic et le nombre cumulé de morts sur la période sont des sorties régies par les mêmes paramètres, essentiellement le taux de transmission basal (β) et les contacts résiduels des ISS (σ). C’est donc la contribution des ISS à la dynamique d’infection qui prévaut. Vient ensuite la durée de la phase de latence (1/ε). La date du pic quant à elle est influencée par ε, ainsi que par la durée dans les infectieux (1/γ), la durée en unité de soins intensifs (1/γICU) et les contacts résiduels pendant le confinement (c1). Les paramètres expliquant moins de 10% de la variation d’une sortie sont généralement considérés non influents.

Indices de sensibilité (FAST) pour les trois sorties analysées

Il est donc clair que toutes les sorties d’un même modèle ne sont pas forcément influencées par les mêmes paramètres, et qu’il convient d’analyser les sorties pertinentes avant d’interpréter les prédictions d’un modèle. Par ailleurs, les résultats indiquent aussi que la date du pic épidémique est peu sensible aux interactions entre paramètres. Au contraire, les deux autres sorties sont fortement influencées par les interactions entre les paramètres impliqués dans la capacité de transmission des individus ISS qu’il conviendrait de mieux préciser pour améliorer la précision du modèle. Enfin, certains paramètres ne semblent jouer aucun rôle sur ces trois sorties. Si la gamme de variation testée est bien pertinente (10% pourrait être un peu faible pour certains paramètres) et si seules ces sorties sont d’intérêt, alors il n’est pas nécessaire de travailler à estimer mieux ces paramètres, voire le modèle peut être simplifié.

Il est à noter que les données utilisées dans l’article #8 ne suffisent pas à estimer suffisamment précisément les valeurs des paramètres clés du modèle, les intervalles de confiance étant supérieurs à 10% autour des valeurs probables. Plus de données sont donc requises avant d’aller plus loin de manière précise !