Fièvre de la Vallée du Rift

Fièvre de la Vallée du Rift : les moutons infectent plus les moustiques que les chèvres et les bovins

La fièvre de la Vallée du Rift (FVR) est une maladie virale zoonotique transmise par des moustiques, principalement au bétail, provoquant des vagues d’avortements et une mortalité élevée chez les jeunes animaux. Chez l’humain, la forme grave peut-être fatale. La FVR fait partie de la liste des maladies émergentes prioritaires de l’OMS. Cependant, le potentiel de transmission (que l’on pourrait simplifier par « contagiosité ») des différentes espèces d’hôtes au cours de leur infection par le virus de la FVR reste mal connu. Dans le cadre d’une collaboration entre l’UMR BIOEPAR (Nantes) et l’Université de Wageningen (Pays-Bas), nous avons développé et paramétré un modèle mathématique à l’échelle intra-hôte pour reproduire la dynamique virale totale et infectieuse observée chez trois espèces d’hôtes : les moutons, les chèvres et les bovins. Nous avons estimé la relation entre la charge virale de l’hôte et la probabilité d’infecter un moustique des genres Aedes et Culex, les principaux vecteurs de ce virus. Ceci a permis de quantifier l’infectiosité des hôtes vis-à-vis des moustiques, et de mettre en évidence une différence importante entre espèces [1]. Ainsi, les moutons sont 3 à 4 fois plus infectieux que les chèvres et les bovins. Parmi les moutons, ceux qui vont succomber à la maladie sont 2 fois plus infectieux que ceux qui y survivent. La question est maintenant de déterminer l’impact d’une telle hétérogénéité d’infectiosité individuelle sur la contribution relative des espèces d’hôtes à la propagation du virus de la FVR à l’échelle populationnelle.

Contexte et enjeux

La fièvre de la Vallée du Rift (FVR) est une maladie vectorielle zoonotique présente en Afrique, dans la péninsule arabique ainsi que les îles du Sud-Ouest de l’Océan Indien. Elle est principalement transmise par des moustiques des genre Aedes et Culex, et entraîne des vagues d’avortements chez les animaux d’élevage (bovins, chèvres, moutons, parfois dromadaires). Le contact avec des animaux infectés et les piqûres de moustiques peuvent contaminer l’humain et dans certains cas mener à une fièvre hémorragique fatale. Pour lutter contre cette maladie affectant des hôtes variés, une estimation de la contribution relative des différentes espèces à la dynamique de transmission serait utile pour concevoir des stratégies de lutte ciblées. Une des composantes de cette contribution à la transmission, mal connue à ce jour, est la contagiosité des hôtes vertébrés vis-à-vis des moustiques au cours de leur infection.

Résultats

Des données de charge virale totale (unité RNA dans la Figure 1) et infectieuse (unité TCID50 dans la Figure 1), produites par l’université de Wageningen, ont été utilisées pour paramétrer un modèle mathématique à l’échelle intra-hôte. Des différences de dynamique virale (durée et pic) entre espèces d’hôtes ont été mises en évidence. Une revue de la littérature a permis de rassembler les données pour estimer la relation entre charge virale infectieuse de l’hôte vertébré et probabilité d’infecter un moustique. Il s’avère que les moustiques du genre Aedes s’infectent en moyenne plus facilement que ceux du genre Culex, à charge virale similaire. Ainsi, l’infectiosité des trois groupes d’hôtes a pu être quantifiée, et révèle que les moutons sont 3 à 4 fois plus infectieux que les chèvres et bovins. Parmi les moutons, ceux qui vont succomber à la maladie sont 2 fois plus infectieux que ceux qui y survivent.

Perspectives

Cette hétérogénéité entre espèces à l’échelle individuelle doit désormais être répercutée dans les modèles épidémiologiques à l’échelle populationnelle pour déterminer l’impact qu’elle peut avoir sur la dynamique de transmission globale. Au Sénégal par exemple, dans un contexte de mobilité animale due à la transhumance, le dernier chapitre de thèse d’Hélène Cecilia [2] montre que cette hétérogénéité individuelle, combinée à la préférence des moustiques pour les bovins, entraîne une infection séquentielle des différentes espèces (bovins en premier, puis petits ruminants) au cours de la saison des pluies.

Valorisation

Ces travaux s’inscrivent dans le projet FORESEE financé par le métaprogramme GISA, coordonné par Maxime Ratinier et Renaud Lancelot. Ils ont été réalisés dans le cadre du doctorat d’Hélène Cecilia (directrice de thèse : Pauline Ezanno), financé par la région Pays-de-La-Loire, INRAE et le Cirad [2]. Cette étude a été faite en collaboration avec l’université de Wageningen aux Pays-Bas. Ces travaux ont été présentés aux conférences suivantes :

  • Society for Veterinary Epidemiology and Preventive Medicine conference (SVEPM) 2021 (prix du poster)
  • Ecology and Evolution of Infectious Diseases conference (EEID) 2021
  • Modeling in Animal Health conference (MODAH) 2021

Références bibliographiques

Cecilia H, Vriens R, Wichgers Schreur PJ, de Wit MM, Métras R, Ezanno P, ten Bosch QA (2022) Heterogeneity of Rift Valley fever virus transmission potential across livestock hosts, quantified through a model-based analysis of host viral load and vector infection. PLoS Computational Biology 18(7): e1010314. https://doi.org/10.1371/journal.pcbi.1010314

Cecilia H (2021) Modeling Rift Valley fever virus transmission dynamics: insight from micro- to macro-scale studies. https://hal.inrae.fr/tel-03439075

Illustrations

Modèle intra-hote

Illustration Thèse Cécilia