Impact ont les pratiques d’élevage sur les maladies respiratoires

Quel impact ont les pratiques d’élevage sur les maladies respiratoires des jeunes bovins et la consommation d'antibiotiques ?

Les maladies respiratoires sont l'un des principaux troubles de santé des jeunes bovins de boucherie. Outre les atteintes au bien-être des animaux, ces maladies entraînent des retards de croissance voire la mort. Cela se traduit par des pertes économiques et un recours massif aux antibiotiques. La maîtrise de ces maladies est complexe car elles dépendent de nombreux facteurs. Elles peuvent être causées par des bactéries ou des virus, et se déclenchent chez l’animal infecté plus ou moins fortement selon son vécu (exposition passée, vaccination, etc.) et celui des autres animaux élevés avec lui. Cela rend ces maladies difficiles à gérer avant que la transmission ne soit déjà forte entre animaux. Pour mieux comprendre l'impact des pratiques d’élevage, diversifiées selon les pays, sur la propagation et le traitement de ces maladies, l’UMR BIOEPAR (Nantes) et le Beef Cattle Institute (Kansas State University, USA) ont collaboré pour explorer par modélisation la progression du processus infectieux, l'apparition et l'évolution des signes cliniques, leur détection et l'administration d'un traitement. Le modèle développé a été calibré pour tenir compte de tailles de lots contrastées, de différents niveaux de risque individuels, de l'administration éventuelle d'antibiotiques en amont de l’engraissement, et du choix de traiter seulement les animaux détectés ou tout le lot quand le nombre de cas devient fort. Les résultats soulignent l'intérêt d'une évaluation fine du niveau de risque et aident à identifier les situations qui favorisent la réduction de l'usage d'antibiotiques.

Contexte et enjeux

Les bronchopneumonies infectieuses (BPI) sont des maladies causées par des agents pathogènes multiples (bactéries et virus), qui impactent lourdement le bien-être et la santé des animaux, leur prise de poids à l'engraissement, et la rentabilité économique des élevages. Aussi, la détection d'animaux présentant des signes cliniques de BPI entraîne un traitement aux antibiotiques, soit des animaux malades, soit du lot entier car la maladie a pu se propager à beaucoup d'animaux sans être encore visible. Cela est problématique dans une perspective de lutte contre les antibiorésistances. La modélisation mécaniste de ces maladies permet d'explorer des scénarios contrastés pour mieux comprendre les leviers disponibles sur le terrain selon les situations sanitaires, les pratiques d'élevage et les protocoles de traitement.

Résultats

Nous avons co-construit entre modélisateurs et chercheurs en médecine vétérinaire un modèle épidémiologique mécaniste, stochastique et individu-centré pour représenter finement quatre processus interdépendants (Fig. 2) : l'infection, le développement de signes cliniques plus ou moins sévères, leur détection (assez spécifique mais avec une sensibilité très variable), et l'administration d'un protocole de traitement antibiotique. Nous avons représenté 12 scénarios contrastés combinant taille des lots (10 vs 100 animaux), niveau de risque d'apparition de BPI potentiellement réduit en amont par l'application d'un traitement collectif à longue action, et choix du mode de traitement durant l'engraissement selon que seuls les animaux détectés comme malades pouvaient être traités, ou le lot en totalité après l'apparition de plusieurs cas.

La simulation des 12 scénarios révèle des contrastes forts tant en durée cumulée de maladie qu'en usage d'antibiotiques (Fig. 3) et permet de voir dans quels cas un traitement collectif avant ou pendant l'engraissement est pertinent. Cette étude montre aussi l'importance de maîtriser le niveau de risque en amont, ce qui est rarement fait dans les élevages en petits lots de type européen.

Perspectives

Ce modèle flexible et modulaire va faire l'objet d'adaptations à d'autres systèmes d'élevage, maladies voire espèces dans le cadre du projet H2020 DECIDE sur les maladies respiratoires et digestives non réglementées, avec la modélisation de l'impact d'agents pathogènes spécifiques et de leur transmission entre lots (thèse de B. Sorin). Ces travaux sont aussi prolongés par un projet Carnot de recherche exploratoire (SEPTIME) et par une thèse CIFRE qui visent à rendre spécifiques les situations décrites par le modèle à partir de données de capteurs recueillies en élevage.

Valorisation

Ces travaux s'inscrivent dans le cadre des projets DECIDE (H2020) et SEPTIME (Carnot France Futur Élevage) et sont soutenus par la Région Pays de la Loire. Ils ont permis de développer une collaboration avec des collègues chercheurs américains particulièrement reconnus sur le sujet. En plus de la publication (open access), les résultats ont été présentés en conférence internationale (Modelling in Animal Health). Le modèle lui-même est diffusé en open source.

Références bibliographiques

Picault S, Ezanno P, Smith K, Amrine D, White B, Assié S (2022) Modelling the effects of antimicrobial metaphylaxis and pen size on bovine respiratory disease in high and low risk fattening cattle. Veterinary Research 53:1–14. https://doi.org/10.1186/s13567-022-01094-1

Illustrations

Impact Fig 1

Impact Fig 2

Impact Fig 3