FM_TIBODI_symbiose__2023 - Copie.png

Endosymiose dans les mitochondries d’une tique

Bioepar
Communication
Faits marquants 2023
Endosymiose dans les mitochondries d’une tique

L’imagerie 3D révèle l’impact de la bactérie endosymbiotique Midichloria sur les mitochondries d’une tique

La tique Ixodes ricinus est le principal vecteur de la maladie de Lyme en Europe. Elle héberge une bactérie endosymbiotique, Midichloria mitochondrri qui est transmise maternellement et est localisée à l’intérieur des mitochondries des oocytes de la tique. Alors que chez d’autres tiques, il a été démontré que les endosymbiotes sont indispensables à la survie de leur hôte-arthropode et qu’elles leur fournissent des vitamines indispensables à leur développement, les conséquences de cette endosymbiose chez I. ricinus ne sont pas connues. Dans cette étude, nous avons généré pour la première fois des images 3D d’oocytes de tiques avec ou sans symbiote grâce à un microscope électronique à balayage par faisceau d’ions focalisés (FIB-SEM). Pour la première fois, la reconstruction complète de la totalité du volume de ces mitochondries a permis de démontrer de façon définitive la présence de l’endosymbiote à l’intérieur des mitochondries et de les dénombrer de façon exhaustive. Jusqu’à 14 Midichloria ont été observées dans une seule mitochondrie. Par ailleurs, alors que les mitochondries de la lignée de tiques sans symbiote présentent une morphologie en réseau avec de longues structures tubulaires, celles de la lignée avec symbiotes sont globuleuses. Ces résultats apportent un éclairage nouveau sur notre compréhension du dialogue cellulaire entre cellule de tiques et de l’endosymbiotes qui a terme pourrait permettre de développer de nouvelles méthodes de lutte antivectorielle tels que la lutte anti-symbiotique ou la paratransgénèse.

Contexte et enjeux

Les tiques, en particulier l’espèce Ixodes ricinus, peuvent transmettre des maladies à l’Homme, comme la borréliose de Lyme ou l’éncéphalite à tique.  La lutte anti-vectorielle contre les tiques est essentiellement basée sur la lutte chimique, à partir d’acaricides correspondant aux mêmes molécules utilisées contre les insectes. En plus du risque de sélection de résistance aux acaricides au sein des populations de tiques, cette lutte chimique pose aussi des problèmes environnementaux. Alors qu’il a été démontré chez plusieurs espèces de tiques qu’elles hébergeaient des bactéries endosymbiotiques indispensables à leur survie, des méthodes de lutte basées sur la suppression de ces symbiotes constituent des pistes prometteuses. Par ailleurs, une meilleure compréhension des mécanismes de régulation à l’intérieur des vecteurs (immunité innée…) des bactéries, qu’elles soient symbiotiques ou pathogènes, constitue un enjeu important pour lutter contre ces maladies.

Résultats

Le travail a été réalisé sur un matériel biologique original, notamment une lignée de tiques élevées au laboratoire depuis plusieurs décennies et qui a fini au fil des générations successives par perdre sa bactérie endosymbiotique Midichloria mitochondrii (Rickettssiales, alphaprotéobactéries) permettant ainsi la comparaison avec une population naturelle de tiques  porteuse de ce symbiote. Par ailleurs, nous avons utilisé pour la première fois chez des tiques un microscope électronique à balayage couplé à un faisceau d’ions ionisant (FIB-SEM) permettant de reconstituer en 3D le contenu intracellulaire (et notamment les organites telles que les mitochondries mais aussi les bactéries endosymbiotiques) d’ovocytes de tiques. L’analyse de ces images a ainsi permis de confirmer la localisation de Midichloria entre les membranes externes et internes de la mitochondrie et de les dénombrer de façon exhaustive avec jusqu’à 14 bactéries endosymbiotiques observées à l’intérieur d‘une seule mitochondrie de cellule de tique. Ces dernières présentaient une morphologie globulaire très différente du réseau tubulaire de mitochondries observé dans la lignée aposymbiotique.

FM_TIBODI_symbiose__2023.png

Fig. 1. (A) : réseau mitochondrial observé dans la lignée de laboratoire de la tique Ixodes ricinus dépourvue du symbiote Midichloria mitochondrii et présentant de nombreuses structures tubulaires. A droite (B), une mitochondrie de la tique I. ricinus présentant à l’intérieur de nombreuses bactéries endosymbiotiques Midichloria mitochondrii (en vert). Echelle : 500 nm. Photo Zerrin Uzum © Nature communications.

Perspectives

La mise au point de ces nouvelles méthodes d’imagerie 3D à l’échelle intracellulaire et les nouvelles connaissances qu’elles ont permis d’acquérir ouvrent de nouvelle perspectives quant à notre compréhension de la régulation par les tiques de leurs mitochondries et de leurs endosymbiotes. Couplées à des études fonctionnelles (transcriptomiques : dual RNAseq) et à une meilleure connaissance du génome de la tique Ixodes ricinus, ces travaux devraient nous permettre de mieux comprendre les interactions entre tiques (notamment leurs mitochondries) et ces endosymbiotes. L’impact de ces symbiotes sur la biologie de leur hôte (développement, survie, compétence vectorielle, compétition avec d’autres bactéries du microbiote des tiques…) restent en effet largement à déterminer.

Valorisation

Publication dans Nature Communications.

Références bibliographiques

https://www.sentiweb.fr/document/5361

Uzum, Z., D. Ershov, M. J. Pavia, A. Mallet, O. Gorgette, O. Plantard, D. Sassera, and F. Stavru. 2023. Three-dimensional images reveal the impact of the endosymbiont Midichloria mitochondrii on the host mitochondria. Nature Communications 14.

Cafiso, A., D. Sassera, C. Romeo, V. Serra, C. Hervet, C. Bandi, O. Plantard, and C. Bazzocchi. 2019. Midichloria mitochondrii, endosymbiont of Ixodes ricinus: evidence for the transmission to the vertebrate host during the tick blood meal. Ticks and Tick-borne Diseases 10:5-12.

Daveu, R., C. Laurence, A. Bouju-Albert, D. Sassera, and O. Plantard. 2021. Symbiont dynamics during the blood meal of Ixodes ricinus nymphs differ according to their sex. Ticks and Tick-borne Diseases 12:9.

Ninio, C., O. Plantard, V. Serra, C. Pollera, N. Ferrari, A. Cafiso, D. Sassera, and C. Bazzocchi. 2015. Antibiotic treatment of the hard tick Ixodes ricinus: Influence on Midichloria mitochondrii load following blood meal. Ticks and Tick-borne Diseases 6:653-657.

Date de modification : 08 décembre 2023 | Date de création : 06 décembre 2023 | Rédaction : CAR