La modélisation épidémiologique aide à maîtriser les maladies animales endémiques

La modélisation épidémiologique aide à maîtriser les maladies animales endémiques

Les maladies endémiques circulent en permanence et peuvent générer de lourdes pertes en élevage à moyen ou long terme. Lutter contre ces maladies est essentiel pour une agriculture durable et des chaînes agroalimentaires compétitives. Des collaborations scientifiques interdisciplinaires entre biologistes, économistes et modélisateurs ont mis en exergue comment la modélisation mathématique en épidémiologie contribuait à mieux comprendre et prédire la circulation de ces maladies, ainsi qu’à guider leur maîtrise à toutes les échelles, depuis l’animal jusqu’aux territoires et aux filières de production primaire. Les défis scientifiques et méthodologiques qui persistent néanmoins pour proposer des options de maîtrise ciblées et en évaluer l’impact ont été recensés. La prise de décision stratégique des éleveurs reste à inclure pour mieux appréhender le compromis entre gestion individuelle et gestion collective et orienter au mieux les incitations. Intégrer la réponse immunitaire des hôtes à l’infection permettrait par ailleurs d’affiner les interventions, notamment thérapeutiques et préventives (vaccination). Enfin, nourrir les modèles de données observables en élevage permettrait d’en accroître le réalisme et l’utilité pratique, pour un appui aux politiques publiques ou privées collectives.

Contexte et enjeux

Maîtriser les maladies endémiques est un défi majeur pour garantir un élevage durable et des chaînes agroalimentaire compétitives, mais aussi pour la santé publique vétérinaire. Ces maladies impactent l'élevage car elles persistent longtemps, génèrent de lourdes pertes, dégradent le bien-être animal, et induisent parfois l’usage d’antibiotiques. Prédire leur propagation doit intégrer les spécificités des populations d’élevage : hétérogènes, gérées, et en interaction. Gérer ces maladies repose aussi sur différentes options à arbitrer selon les pertes dues à la maladie et les coûts de gestion. Mieux comprendre les processus d'infection, l'affectation des ressources à la gestion et le respect des règles par les éleveurs devient nécessaire. Toutefois, ces processus sont rarement observés. La modélisation mécaniste permet de décrire la propagation des agents pathogènes pour un large éventail de contextes et d’explorer l'efficacité des stratégies à différentes échelles (animal, ferme, région, chaîne d'approvisionnement).

Résultats

Un groupe de modélisateurs multi-instituts a discuté des avantages et des défis relevés par la modélisation épidémiologique mécaniste quant aux maladies animales endémiques (ex : diarrhée virale bovine, paratuberculose bovine, syndrome dysgénésique respiratoire porcin). Nous avons abordé les questions de modélisation de la propagation des agents pathogènes à l'échelle des exploitations et des régions, pour mieux évaluer la lutte contre ces maladies et proposer des options ciblées. Un focus a porté sur les modèles intra-hôtes représentant la réponse immunitaire des hôtes et l’hétérogénéité entre animaux. Enfin, le lien entre modèles mécanistes et observations a été discuté. Nos conclusions sont :

- Les modèles mécanistes multi-échelles contribuent à mieux comprendre la propagation des agents pathogènes endémiques ;

- L'interdisciplinarité est la clé de la construction de tels modèles ;

- L'ancrage territorial, alimenté par les observations, assure réalisme et robustesse des prédictions ;

- La complexité des modèles doit être compensée par des données abordables ;

- Les modèles économiques et épidémiologiques sont à coupler pour mieux guider la maîtrise des maladies non réglementées.

Perspectives

Des compétences complémentaires sont à mobiliser en modélisation, statistiques, informatique, sur les maladies infectieuses, en immunologie, épidémiologie et économie pour relever les défis futurs : (1) garantir des données FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, Reusable), les données de santé animale étant hétérogènes et détenues par de nombreux acteurs ; (2) saisir le comportement complexe du système et les décisions des acteurs pour le gérer ; (3) convertir les résultats simulés en connaissances utilisables par les parties prenantes ; (4) assurer des résultats réalistes et pratiques. Les modèles académiques sont trop complexes pour être transférés aux gestionnaires de la santé, tandis que ceux-ci commencent à utiliser leurs résultats pour établir leur plan d’action. Des outils d'aide à la décision basés sur les modèles académiques sont à développer en collaboration avec les utilisateurs pour hiérarchiser les alternatives de gestion dans un large éventail de situations.

 

Valorisation

Article issu d’un groupe de travail réuni dans le cadre du PIA ANR-10-BINF-07 (MIHMES), cofinancé par le FEDER Pays de la Loire, coordonné par P. Ezanno (BIOEPAR, INRAE, Oniris).

 

Références bibliographiques : Ezanno P., Andraud M., Beaunée G., Hoch T., Krebs S., Rault A., Touzeau S., Vergu E., Widgren S. 2020. How mechanistic modelling supports decision making for the control of enzootic infectious diseases. Epidemics 32:100398, https://doi.org/10.1016/j.epidem.2020.100398.

EpiMod

Les maladies infectieuses épidémiques (rouge) provoquent des pertes importantes sur de courtes périodes, tandis que les maladies infectieuses endémiques (orange) persistent et peuvent entraîner une incidence cumulée importante. La collecte de données est nécessaire pour évaluer l'impact des maladies et évaluer l'efficacité des stratégies de maîtrise.