Réorganiser le commerce de jeunes bovins de boucherie

Réorganiser le commerce de jeunes bovins de boucherie pour réduire le risque de maladies respiratoires

Les jeunes bovins de boucherie sont très sensibles aux maladies respiratoires les premières semaines de leur engraissement, ce qui occasionne l’usage d’antibiotiques. Deux facteurs sont connus pour augmenter l’incidence de ces maladies : (1) la distance parcourue entre l’élevage naisseur et l’élevage engraisseur de l’animal, et (2) le mélange d’animaux de provenances différentes lors de leur passage en centres de tri, ceux-ci constituant pour les éleveurs engraisseurs des lots d’animaux homogènes sur des critères de poids et non de provenance ou de distance parcourue. Deux algorithmes ont été développés par des chercheurs des départements Santé Animale et MathNum d’INRAE pour optimiser ces deux facteurs. Ils ont ensuite été testés sur un jeu de données de la coopérative Ter’elevage, jouant le rôle d’intermédiaire entre naisseurs et engraisseurs. Les résultats ont montré qu’une optimisation du choix du centre de tri permettait de réduire substantiellement les distances de trajet, particulièrement les plus longs. De plus, il était possible de composer de lots d’animaux minimisant la diversité de leurs origines et ainsi de fortement réduire les risques de contaminations croisées entre jeunes bovins à l’engraissement. Ces outils, disponibles publiquement, pourraient contribuer à diminuer le recours aux antibiotiques chez les éleveurs engraisseurs.

Contexte et enjeux

Les maladies respiratoires touchent particulièrement les jeunes bovins, avec des conséquences sanitaires et économiques. La plupart des cas surviennent dans les semaines qui suivent le transfert des animaux depuis les éleveurs « naisseurs » vers des centres d’engraissement. Des intermédiaires gèrent ces transferts, en rassemblant les bovins achetés aux naisseurs dans des centres de tri. Ils sont alors répartis en lots d’animaux homogènes en poids, puis vendus aux éleveurs « engraisseurs ». Deux facteurs logistiques dépendant de ces intermédiaires ont été identifiés comme impactant les risques de développement des maladies respiratoires : la distance totale parcourue par les animaux entre leur lieu de naissance et d’engraissement, et le nombre d’origines (c’est-à-dire de naisseurs) différentes des animaux au sein d’un même lot. Une augmentation de l’un ou l’autre de ces facteurs impacte négativement la santé des animaux et leurs performances à l’engraissement. Ces travaux visaient à développer des algorithmes permettant d’optimiser ces deux facteurs et de limiter ainsi les risques de maladies respiratoires chez les jeunes bovins.

Résultats

Deux algorithmes ont été développés par des chercheurs des unités BIOEPAR (Santé Animale) et MaIAGE (MathNum). Ils ont été testés sur un jeu de données de 9701 lots de jeunes bovins créés dans 13 centres de tri différents par la coopérative d’éleveurs Ter’elevage. Le premier algorithme assigne les animaux aux centres de tri en minimisant les distances de trajet des animaux, tout en respectant les capacités d’accueil maximales respectives des centres. Sur ce jeu de données, l’algorithme a permis de réduire les distances totales de trajet, particulièrement les plus longues (-18 % pour les trajets de plus de 300km en moyenne). Le deuxième algorithme recompose les lots de jeunes bovins pour minimiser leur nombre d’origines, en respectant le nombre et la race des jeunes bovins du lot. Un indice évaluant les risques de contaminations croisées selon la composition des lots lui a été associé. L’optimisation a entraîné une diminution de 35 % du nombre moyen d’origines par lot et une baisse substantielle de l’indice de risque associé.

Perspectives

Les algorithmes développés sont disponibles publiquement pour les acteurs de la filière. Leur utilisation sur d’autres jeux de données que celui de la coopérative Ter’elevage permettrait d'identifier des améliorations à leur apporter, ainsi que leur possible intérêt comme outils d’aide à la gestion de la constitution de lots en centres de tri. Par ailleurs, le pathosystème impliqué dans les maladies respiratoires est complexe et encore mal connu. De nouvelles connaissances sur ce sujet permettraient d’améliorer l’indice de risque proposé, ainsi que de mieux évaluer sa relation avec l’occurrence de maladies respiratoires.

Valorisation

Ces travaux s’inscrivent dans le projet PSDR 4 Sant’Innov. En plus des deux publications et l’acte de congrès ci-après, ils ont aussi été présentés en salon professionnel (SPACE 2019) et durant une journée de formation destinée aux enseignants en lycée agricole. Les deux algorithmes produits sont disponibles publiquement sur la forge institutionnelle SourceSup.

 

Références bibliographiques

Morel-Journel T., Vergu E., Mercier J-B., Bareille N., Ezanno P. (2021) Selecting sorting centres to avoid long distance transport of weaned beef calves. Scientific Reports 11(1), 1-10. doi:10.1038/s41598-020-79844-4

Morel-Journel T., Assié S., Vergu E., Mercier J-B., Bonnet-Beaugrand F., Ezanno P. (2021) Minimizing the number of origins in batches of weaned calves to reduce their risks of developing bovine respiratory diseases. Veterniary Research 52(1), 1-12. doi:10.1186/s13567-020-00872-z

Morel-Journel T., Herve L., Assie S., Mercier J-B, Vergu E., Ezanno P., Bareille N. (2020) Pourquoi et comment repenser les pratiques d’allotement des broutards en vue de l’engraissement ? Dans Actes des 25emes Rencontres autour des Recherches sur les Ruminants 2020. Institut de l’elevage (Idele), Ed Technipel, Paris.