Agents infectieux marqueurs d’impact environnemental et de circulation

Agents infectieux marqueurs d’impact environnemental et de circulation : les Babesia du goéland et des oiseaux marins

Le Goéland leucophée est utilisé comme espèce modèle pour analyser l’impact des stress environnementaux (pollution notamment) sur la dynamique des populations d’animaux sauvages, la circulation d’agents pathogènes et le risque d’exposition humaine. Dans cet objectif, en collaboration avec l’UMR MIVEGEC, nous avons caractérisé un piroplasme sanguin, Babesia sp. YLG, appartenant à un groupe de parasites aviaires encore méconnus, et les modalités de sa transmission. Nous avons ainsi pu observer qu’il est très fréquent chez les poussins et que sa transmission vectorielle est assurée par une tique nidicole molle, Ornithodoros maritimus. Ce parasite sanguin, Babesia sp. YLG, peut maintenant être intégré comme marqueur pour étudier la connectivité entre les colonies d’oiseaux et le rôle possible des facteurs environnementaux dans la circulation et l'établissement du parasite au sein des colonies.

Contexte et enjeux

Avec les outils de biologie moléculaire, le nombre d’espèces décrites ne cesse d’augmenter, mais les connaissances sur les parasites des oiseaux, notamment marins, demeurent très limitées. Connait-on bien leur diversité, leur circulation et leur impact sur la santé animale et/ou humaine?

L’étude du Goéland leucophée, espèce sauvage très répandue et fréquemment trouvée dans les zones urbaines, présente un intérêt à la fois fondamental, pour étudier l’impact des stress environnementaux sur la dynamique des populations d’animaux sauvages, et appliqué, pour la compréhension de la circulation d’agents pathogènes et le risque d’exposition humaine. Pour ces raisons, il est l’espèce modèle du projet ANR EcoDIS (Ecologie de la santé dans un monde changeant : comprendre la circulation des agents infectieux en reliant facteurs de stress environnementaux, dynamiques des populations et écologie du mouvement).

Résultats

En amont de ce projet, nous avons réalisé la caractérisation d’une nouvelle Babesia chez le Goéland, Babesia sp. YLG, à l’aide d’analyses morphologiques couplées à des analyses moléculaires. Très fréquente chez les poussins, cette Babesia ne semble pas avoir d’effet mesurable sur leur santé. Elle appartient à un groupe phylogénétique très méconnu, le groupe Peircei, avec seulement une dizaine de membres identifiés à ce jour, tous inféodés aux oiseaux. Ce parasite fait partie des marqueurs utilisés dans le projet EcoDIS pour lequel l’UMR BIOEPAR reste référente en matière de babésiose.

La fréquence élevée de poussins parasités par Babesia sp. YLG laissait supposer une infection dans le nid, probablement par l’espèce de tique molle nidicole Ornithodoros maritimus présente dans les nids de la colonie étudiée. La recherche par des méthodes moléculaires de ce parasite dans les différents organes de ces tiques a démontré sa présence dans les glandes salivaires démontrant ainsi sa transmission aux oisillons. Chez le vecteur, la transmission des parasites à la descendance n’a pas été démontrée (transmission trans-ovarienne), par contre une transmission sexuelle du mâle vers la femelle est suspectée.

Préalablement décrites comme appartenant à 3 lignées distinctes, nous avons montré que les espèces de Babesia aviaires n’appartiennent en fait qu’à deux groupes paraphylétiques. Le premier, Kiwiensis, émerge des Babesia sensu stricto infectant les Mammifères. Le second, Peircei, forme un groupe hors Babesia sensu stricto, ne contenant pour le moment que des espèces infectant les oiseaux. Ces deux groupes pourraient se distinguer biologiquement par une différence fondamentale de leur cycle biologique : la transmission par des tiques dures (Kiwiensis, Babesia sensu stricto) versus par des tiques molles (groupe Peircei).

Perspectives

La suite du projet ANR EcoDIS montre que Babesia sp. YLG semble être largement absent dans les autres colonies autour de la Méditérranée, malgré la présence du vecteur. Ceci remet en question la connectivité entre les colonies et le rôle possible des facteurs environnementaux dans l'établissement du parasite au sein des colonies. Nous poursuivons par ailleurs des collaborations internationales pour améliorer les connaissances sur ces parasites encore trop méconnus.

Valorisation

Deux publications, une 3ème en révision, une 4ème en finalisation.

Références bibliographiques

Bonsergent, C., Vittecoq, M., Leray, C., Burkart, L., McCoy, K.D., Malandrin, L. 2022. Characterization and diversity of Babesia sp. YLG, a new member of the Peircei group infecting Mediterranean yellow-legged gulls (Larus michahellis). Ticks and Tick-Borne Diseases, 13(1):101852. doi: 10.1016/j.ttbdis.2021.101852.

Malandrin, L., 2022. Babesia bennetti: a chimeric sequence for a true parasite? Ticks and Tick-Borne Diseases, 13(1):101863. doi: 10.1016/j.ttbdis.2021.101863.

Capasso, S., Yvonne R. Schumm, Y.R., Quillfeldt P., Bonsergent, C., Malandrin L., Lorenti, E., Fusaro, B., Panisse, G., Lunardelli, M., Castresana, G., Diaz, J.I., en révision. Surveillance of avian Malaria and related haemoparasites from migratory seabirds in the Atlantic coast of South America. Identification of two new Plasmodium lineages. Parasitology.

Bonsergent, C., Vittecoq, M., Leray, C., Burkart, L., Jouglin, M., McCoy, K.D., Malandrin, L. in prep. The soft tick Ornithodoros maritimus: role in the transmission of Babesia sp. YLG to the Mediterranean yellow-legged gulls (Larus michahellis).

Illustrations

Oisillon - Tour du Valat1