Une nouvelle espèce bactérienne transmise par les tiques chez les petits ruminants en Corse

Agents infectieux transmis par les tiques : une espèce bactérienne nouvellement décrite en France

Agents infectieux transmis par les tiques : une espèce bactérienne nouvellement décrite en France

Plusieurs espèces de bactéries pathogènes du genre Anaplasma, transmises par les tiques, ont été découvertes depuis quelques décennies. Anaplasma capra, a été décrite en Asie initialement chez les caprins en 2012, puis chez l’homme en 2015, et s’avère très fréquente sur ce continent chez des hôtes vertébrés assez diversifiés. Nous l’avons mise en évidence pour la première fois en Europe, en France en 2019, chez deux espèces de Cervidés en captivité. Plus récemment, nous l’avons détectée avec des prévalences assez élevées chez des petits ruminants d’élevage en Corse. A. capra se divise en deux groupes phylogénétiques. En France et en Europe (Espagne et Turquie), les populations forment une lignée distincte suggérant une origine européenne récente et unique. Le groupe des souches européennes est différent de celui des souches chinoises caractérisées chez l’Homme. Il reste donc à déterminer si les souches européennes pourraient être infectieuses pour l’Homme. Étant donné la très large répartition géographique d’A. capra, il semble que cette espèce puisse être transmise par un grand nombre d’espèces différentes de tiques.

Contexte et enjeux

Les outils de biologie moléculaire permettent de détecter dans le sang d’animaux apparemment sains de nombreux agents infectieux transmis par les tiques (virus, bactéries ou parasites), puis de les génotyper. Le nombre d’espèces caractérisées ne cesse d’augmenter, aussi bien dans la faune sauvage que dans la faune domestique. Connait-on bien toute leur diversité et leurs impacts sur la santé animale et/ou humaine?

Résultats

Anaplasma, genre bactérien responsable de l’anaplasmose chez de nombreux vertébrés

Anaplasma est une bactérie intracellulaire obligatoire présente dans les cellules sanguines, transmise par les tiques. Plusieurs espèces sont caractérisées depuis plusieurs décennies, car responsables d’anaplasmose chez les animaux domestiques et/ou chez l’homme. Anaplasma peut provoquer, selon l'espèce incriminée et l'hôte infecté, des fièvres, de l'anorexie, des avortements, des baisses de production, pouvant conduire à la mort de l'hôte. Des baisses d'immunité associées à la présence de ces bactéries prédisposent les animaux infectés à d'autres infections parasitaires ou bactériennes. Ces espèces sont distribuées dans le monde entier, avec des aires de répartition qui peuvent être liées à celles des espèces de tiques vectrices.

Anaplasma capra en Europe, première mise en évidence en France

Anaplasma capra est une espèce récemment caractérisée en Chine récemment (2015) chez les caprins puis les ovins. Décrite dans plusieurs pays d’Asie (Japon, Corée, Malaysie), elle s’avère avoir en fait une gamme d’hôtes assez étendue incluant également différentes espèces de Cervidés et l’Homme. Des scientifiques de l’UMR BIOEPAR en collaboration avec le MNHN (Muséum National d’Histoire Naturelle) ont caractérisé cette espèce pour la première fois en 2019 en Europe chez des Cervidés dans une réserve zoologique située dans la Brenne. Très récemment, grâce à une collaboration avec le GDS, le GTV et des laboratoires corses, cette équipe a démontré sa présence également en contexte d’élevage ovin et caprin en Corse, avec des taux d’animaux infectés parfois importants.

Phylogénie moléculaire : deux clades distincts, et une possible lignée européenne

Les analyses phylogénétiques réalisées par l’équipe et basées sur 3 gènes permettent de distinguer deux groupes ou clades distincts au sein de l’espèce Anaplasma capra. Les isolats français de Cervidés, d’ovin ou de caprin sont regroupés dans un de ces deux clades, formant dans ce clade une lignée suggérant une origine européenne récente et unique. Le clade regroupant les souches européennes est différent de celui dans lequel se trouvent les souches chinoises caractérisées chez l’Homme. Il reste donc à déterminer si les souches européennes pourraient être infectieuses pour l’Homme.

Perspectives

Le nombre d’espèces d’Anaplasma caractérisées chez les vertébrés augmente et leur présence en co-infections mérite d’être évaluée car ces « associations de malfaiteurs » pourraient être à l’origine de problèmes en santé animale, notamment être la cause secondaire d’avortements.

Valorisation

Deux publications relatant ce travail ont été réalisées, dans PlosOne en 2019 et dans Ticks and Tick-Borne Diseases en 2022.

Références bibliographiques

  1.  Jouglin M, Blanc B, de la Cotte N, Bastian S, Ortiz K, Malandrin L. (2019) First detection and molecular identification of the zoonotic Anaplasma capra in deer in France. PLoS One. 14(7):e0219184.
  2.  Jouglin M, Rispe C, Grech-Angelini S, Gallois M, Malandrin L. (2022) Anaplasma capra in sheep and goats on Corsica Island, France: A European lineage within A. capra clade II? Ticks Tick Borne Dis. 13(3):101934.

Illustrations

Ruminants Corse1

Date de modification : 11 septembre 2023 | Date de création : 05 juillet 2023 | Rédaction : LM