Modélisation et réduction des antibiotiques

Des modèles mathématiques pour la santé des bovins et la réduction d’usage des antibiotiques

Modélisation et réduction des antibiotiques

Les maladies respiratoires des bovins (Bovine Respiratory Disease, BRD) représentent la principale cause de pertes économiques et de traitements antibiotiques en atelier d’engraissement. Pour éviter une propagation à l’ensemble d’un lot, le recours au traitement collectif est en effet fréquent, mais reste déclenché par des critères à dire d’expert. Les modèles mathématiques offrent des solutions pour un usage raisonné des antibiotiques en élevage, en explorant les critères permettant de ne déclencher des traitements collectifs qu’à bon escient. D’une part, nous avons comparé plusieurs critères et seuils de déclenchement (nombre de cas, vitesse, sévérité). D’autre part, nous avons combiné un modèle mathématique de BRD et un modèle statistique pour générer des alertes précoces fondées sur le risque d’infection estimé. Ces études ont permis d’évaluer l’impact de ces choix sur la diffusion d’un pathogène respiratoire, la bactérie Mannheimia haemolytica.
Les simulations dans des conditions variées montrent que les traitements collectifs ainsi déclenchés réduisent à la fois l’incidence cumulée et la sévérité des cas, sans augmenter voire en diminuant l’usage d’antibiotiques, notamment dans les situations à risque moyen ou élevé. Ce travail, mené en collaboration avec l’UCPH (Danemark) dans le cadre du projet H2020 DECIDE, ouvre la voie à une application en conditions réelles pour soutenir les vétérinaires et les éleveurs dans une utilisation raisonnée des antibiotiques et une amélioration de la santé des animaux d’élevage.

Contexte et enjeux 

Les BRD sont un défi majeur pour la santé et la durabilité des élevages bovins engraisseurs. Le recours aux traitements collectifs, bien que fréquent, soulève des questions sur leur pertinence et leur contribution à l’antibiorésistance. Le couplage d’approches mécanistes et statistiques permettent d’intégrer la dynamique épidémiologique et l’incertitude des observations de terrain. Ce travail s’inscrit dans le contexte de la réduction raisonnée de l’usage des antibiotiques (AMU) et de l’amélioration du bien-être et de la santé des animaux d’élevage, en lien avec les objectifs d’INRAE et du programme européen H2020 DECIDE.

Résultats 

Nous avons développé un modèle mathématique de propagation de M. haemolytica au sein d’un élevage, permettant de comparer au traitement individuel diverses stratégies de déclenchement de traitements collectifs : d’une part, selon des critères conventionnel (proportion de cas), ou alternatifs (rapidité ou sévérité des cas) [1] ; d’autre part, via le couplage entre un simulateur épidémiologique (EMULSION) et un modèle statistique (DGLM hiérarchique multivarié) qui estime à chaque pas de temps le risque d’infection à partir d’indicateurs cliniques observables [2]. 48 scénarios contrastés en termes de taille de lot, de niveau de risque et de tri des animaux ont permis de comparer des stratégies de traitement individuel strict, de traitement collectif conventionnel et de traitement collectif déclenché par les alertes du DGLM. Cette dernière approche montre une réduction significative de l’incidence et de la sévérité des cas dans les lots à risque moyen ou élevé ; une baisse ou stabilisation de la consommation d’antibiotiques par rapport aux approches conventionnelles ; une meilleure synchronisation entre l’apparition des symptômes et la décision de traitement collectif. L’approche s’avère particulièrement bénéfique pour les grands lots ou les élevages présentant une forte hétérogénéité de risque. Ces résultats viennent par ailleurs compléter des travaux sur la comparaison de divers critères de déclenchement de traitements collectifs. La collaboration entre l’UMR BIOEPAR et l’UCPH a permis une acculturation mutuelle à des types de modèles qui s’avèrent complémentaires.

Perspectives 

Les prochaines étapes visent à valider l’approche sur des données réelles issues d’élevages, afin de calibrer les paramètres du DGLM et d’adapter les seuils d’alerte selon le niveau de risque. Le couplage avec des données de terrain permettra de proposer un outil opérationnel pour les éleveurs ou leurs vétérinaires, intégrable à des plateformes d’aide à la décision. Des extensions sont envisagées à d’autres pathogènes respiratoires et à d’autres espèces d’élevage.

Valorisation 

Ces travaux représentent une avancée importante dans l’intégration des modèles mécanistes et statistiques en santé animale. Les résultats ont fait l’objet de deux publications internationales en open access, dans Peer Community Journal [1] et dans Veterinary Research [2], et contribuent à la diffusion de modèles open-source (code disponible sur Zenodo, DOI: 10.5281/zenodo.13842980). Ils s’inscrivent dans les objectifs de maîtrise des maladies animales non réglementées du projet européen DECIDE (H2020, Grant 101000494).

[1] Sorin-Dupont B, Poyard A, Assié S, Picault S, Ezanno P (2025) Individual or collective treatments: how to target antimicrobial use to limit the spread of Mannheimia haemolytica among beef cattle? Peer Community Journal 5:e104. https://doi.org/10.24072/pcjournal.629

[2] Merca C, Sorin-Dupont B, Kristensen AR, Picault S, Assié S, Ezanno P (2025) Combining dynamic generalized linear models and mechanistic modelling to optimize treatment strategies against bovine respiratory disease. Vet Res 56:181. https://doi.org/10.1186/s13567-025-01611-y

Collaborations internationales ou partenariales associées

 Projet européen DECIDE (H2020, Grant 101000494) : collaboration avec l’UCPH, Copenhague, Danemark
financement complémentaire : Région Pays de la Loire