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Phylogéographie de la tique Ixodes ricinus

Phylogéographie de la tique Ixodes ricinus : forte divergence génétique entre populations nord-africaines et européennes.

Pour lutter efficacement contre les tiques (vaccins anti-tiques, produits acaricides), il est indispensable de connaître leur variabilité génétique. Nous avons montré que les populations eurasiatiques d’Ixodes ricinus ne présentent pas de structuration génétique alors que celles d’Afrique du nord sont très divergentes. Ces populations pourraient aussi présenter des différences phénotypiques, comme la compétence vectorielle ayant des conséquences sur l’épidémiologie de certaines maladies transmises par les tiques.

Contexte / enjeux

Les tiques sont des acariens hématophages capables de transmettre de nombreuses maladies, aussi bien à l’homme (maladie de Lyme, encéphalite à tique…) qu’aux animaux (piroplasmose et anaplasmose bovines..). A l’échelle mondiale, elles sont considérées comme le deuxième groupe de vecteurs le plus important, après les moustiques. En plus de ces enjeux en santé humaine et animale, on peut associer les tiques et les maladies qu’elles transmettent à des enjeux  environnementaux en raison du rôle important de la faune sauvage pour le gorgement des tiques mais aussi comme réservoir d’agents pathogènes. Afin de lutter efficacement contre ces vecteurs, par exemple à l’aide de vaccins anti-tiques ou de produits acaricides, il est indispensable de connaître leur variabilité génétique. Ixodes ricinus est l’espèce de tique la plus fréquente en Europe : son aire de répartition couvre la majorité de la zone ouest paléarctique, de l’Afrique du nord au sud de la Scandinavie, et de l’Irlande à la mer Caspienne. L’objectif de cette étude était de caractériser la variabilité génétique d’un large panel de populations couvrant l’ensemble de l’aire de répartition de cette tique en analysant le polymorphisme nucléotidique de plusieurs gènes et de décrire la partition de cette variabilité inter et intra-population.

Résultats

Nous avons échantillonné 40 populations couvrant l’ensemble de l’aire de répartition d’Ixodes ricinus, puis séquencé 2 gènes mitochondriaux et 4 gènes nucléaires de 60 individus. La diversité génétique observée n’est pas structurée en fonction de l’origine géographique des échantillons. La diversité observée à l’échelle de toute l’Europe est similaire à celle observée dans une seule population française. Malgré les faibles capacités de dispersion active de ces vecteurs non ailés, ces résultats suggèrent l’existence d’importants flux de gènes entre ces populations, liés aux mouvements des hôtes sauvages (oiseaux, chevreuils…) ou domestiques (échanges commerciaux) sur lesquels les tiques restent fixées plusieurs jours (le temps de leur repas sanguin). Les patrons de diversité nucléotidiques suggèrent que ces populations sont en expansion récente. Contrairement à ce qui a été observé au sein des populations européennes, les tiques des populations d’Afrique du nord – où les tiques sont cantonnées à des zones montagneuses plus humides - se sont avérées génétiquement très divergentes de toutes les autres populations de l’ouest paléarctique, indiquant un isolement génétique ancien.

Perspectives

Cette étude est la première à mettre en évidence l’existence d’une forte divergence génétique de certaines populations d’I.  ricinus au sein de son aire de répartition. Des études complémentaires sont en cours afin de savoir si les populations nord-africaines et européennes de cette tique sont interfertiles (existence d’un isolement reproducteur pré-  ou post-copulatoire ?). Des expériences sur la compétence vectorielle de ces différentes populations de tiques pour différents agents pathogènes devront être réalisées afin de savoir si, à ces différences génétiques, correspondent aussi des différences phénotypiques qui auraient des conséquences majeures pour l’épidémiologie des maladies transmises par les tiques.

Partenaires

Institut Pasteur de Tunis (Professeur Ali Bouattour)

Publications

  • Noureddine R., Chauvin A. et Plantard O. (2011). Lack of genetic structure among Eurasian populations of the tick Ixodes ricinus contrasts with marked divergence from north-African populations. International Journal for Parasitology 41. Pp 183-192.